Pas d'intention d'éluder l'impôt lorsque l'omission de déclaration ne couvre qu'une partie de la période vérifiée.
Dans un arrêt du 24/07/2024, (CE 23 juillet 2024, n° 489235), le Conseil d’Etat a retenu que l'absence de déclaration sur une partie seulement de la période vérifiée ne révélait pas l'intention d'éluder l'impôt.
En vertu de l'article 1729 du CGI, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de 40% en cas de manquement délibéré.
Pour l’application de cette majoration de 40 % pour manquement délibéré, il appartient à l’administration fiscale de réunir tous éléments d'information ou d'appréciation utiles en vue d'établir que le contribuable ne pouvait pas ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que l'infraction a donc été commise sciemment.
Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.
Le Conseil d’Etat a déjà jugé que lorsque, pour appliquer des pénalités de mauvaise foi, l'administration a porté une appréciation d'ensemble sur les rectifications notifiées à un contribuable, la circonstance que certaines des rectifications ne sont pas fondées fait obstacle à l'application de ces pénalités (CE 28-5-2014 n° 362172, 3e et 8e s.-s.).
Dans l’affaire jugée le 24/07/2024, le Conseil d’Etat a retenu que l'absence de déclaration sur une partie seulement de la période vérifiée ne révélait pas l'intention d'éluder l'impôt. Au cas particulier, une société a fait l'objet d'une vérification de l'ensemble de ses déclarations fiscales portant sur la période du 1er décembre 2014 au 31 décembre 2016, période étendue jusqu'au 28 février 2017 en matière de TVA, et des rappels de TVA lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2017, assortis de majorations pour manquement délibéré.
La société a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des majorations de 40% appliquées pour manquement délibéré. Le tribunal administratif a rejeté sa demande, mais par un arrêt n° 22LY01784 du 5 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement, a prononcé la décharge des majorations, en retenant que dès lors que les omissions de déclaration, relevées sur la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2017, n'avaient pas été constatées au titre d'autres périodes que celles en litige, l’intention d'éluder l'impôt n'était pas établie. L’administration fiscale s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui a rejeté le pourvoi.
Pour le Conseil d’Etat, l’administration n’est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, car en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel, qui, contrairement à ce que soutient le pourvoi, n'a pas fondé sa décision sur l'absence de répétition du manquement au cours d'une autre période antérieurement vérifiée mais seulement sur la circonstance que les échéances pour lesquels les manquements avaient été commis s'inséraient au sein d'une période qui ne couvrait qu'une partie de celles ayant fait l'objet de la procédure de vérification en cause. Il n’y a donc pas d'intention d'éluder l'impôt lorsque l'omission de déclaration ne couvre qu'une partie de la période vérifiée.
Conseil d'État, 8ème chambre, 23/07/2024, 489235, Inédit au recueil Lebon.
Arnaud SOTON
Avocat fiscaliste
Professeur de droit fiscal