CABINET D'AVOCAT ARNAUD SOTON
AVOCATS FISCALISTES
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Contribution aux charges du mariage : des conditions de déductibilité jugées inconstitutionnelles.


Saisi par le Conseil d’État le 2 mars 2020 (décision n° 436454 du 28 février 2020), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel juge injustifiée la différence de traitement entre les contribuables qui versent une contribution aux charges du mariage en exécution d’une décision de justice et ceux qui la versent spontanément.

En vertu du Code civil, chacun des époux est tenu de contribuer aux charges du mariage selon ses facultés (C. civ. art. 214). Cette obligation dure aussi longtemps que le mariage et s’impose même si les époux vivent séparés de fait.

Le 2° du paragraphe II de l’article 156 du code général des impôts, dans ses rédactions résultant des décrets du 3 juin 2015 et du 10 juin 2016 prévoit que, pour la détermination du revenu imposable à l’impôt sur le revenu, la contribution aux charges du mariage peut être déduite lorsque son versement résulte d’une décision de justice et à condition que les époux fassent l’objet d’une imposition séparée. Ainsi lorsque les époux sont imposés séparément, la contribution aux charges du mariage est déductible du revenu imposable de l’époux débiteur, à condition que son versement résulte d’une décision de justice (CGI art. 156, II-2o dans sa rédaction applicable jusqu’en 2016). Les versements spontanés ne sont pas déductibles.

En l’espèce les époux, mariés sous le régime de la séparation des biens, étaient séparés de fait depuis plusieurs années. Le mari versait mensuellement à son épouse une contribution aux charges du mariage fixée à l’amiable. L’administration a refusé au mari de déduire de son revenu imposable cette contribution qui ne procédait pas d’une décision de justice. Les époux ont fait homologuer en 2019 leur accord par le juge aux affaires matrimoniales, mais cette homologation était postérieure aux années litige.

Cette différence de traitement, selon que la contribution est fixée par convention amiable ou par décision de justice, correspond-elle à une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi ?

Le président de la 2e chambre du tribunal administratif de Rennes a décidé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État.

Le Conseil d’Etat a estimé que le moyen tiré de ce que les dispositions du 2o du II de l’article 156 du CGI méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789, en tant qu’elles subordonnent, pour le calcul du revenu net annuel soumis à l’impôt, la déduction de la contribution aux charges du mariage à la condition que son versement résulte d’une décision de justice, soulève une question présentant un caractère sérieux, et qu’il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Après avoir rappelé que selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse, et que principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit, le conseil constitutionnel juge que cette différence de traitement n’est pas justifiée, notamment au regard de la lutte contre l’optimisation fiscale.

Le Conseil constitutionnel indique que d’une part, la décision de justice rendue dans ce cadre a pour objet soit de contraindre un des époux à s’acquitter de son obligation de contribuer aux charges du mariage, soit d’homologuer la convention par laquelle les époux se sont accordés sur le montant et les modalités de cette contribution. Ainsi, une telle décision de justice n’a ni pour objet ni nécessairement pour effet de garantir l’absence de toute optimisation fiscale.

D’autre part, le simple fait qu’un contribuable s’acquitte spontanément de son obligation légale sans y avoir été contraint par une décision de justice ne permet pas de caractériser une telle optimisation.

Dès lors, la différence de traitement contestée n’est justifiée ni par une différence de situation au regard de la lutte contre l’optimisation fiscale ni par une autre différence de situation en rapport avec l’objet de la loi. Elle n’est pas non plus justifiée par un motif d’intérêt général.

Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et doivent donc, être déclarées contraires à la Constitution.

L’exigence d’une décision de justice dans les dispositions contestées (version 2015 et 2016) est donc contraire à la Constitution. La déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement au 29 mai 2020, date de publication de la décision. A noter que ces dispositions ne sont plus en vigueur. Elles ont été modifiées, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2017, par la loi 2016-1547 du 18 novembre 2016 instituant le divorce sans juge. Mais les sommes versées spontanément restent non déductibles. Les dispositions actuelles encourent les mêmes griefs d’inconstitutionnalité.

Cons. const. 28-5-2020 n° 2020-842 QPC.

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