CABINET D'AVOCAT ARNAUD SOTON
AVOCATS FISCALISTES
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La donation-cession et l’abus de droit


La donation-cession tombe sous le coup de l’abus de droit si le donateur appréhende le produit de la cession.

Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, (on parle d’abus de droit par simulation), soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (on parle alors  d’abus de droit par fraude à la loi).

En matière fiscale, il existe, bien sûr, une liberté des choix, autorisant le contribuable à opter pour la solution qui lui est fiscalement la plus favorable. Mais lorsque les actes ou contrats sont passés dans le seul but de contourner la loi fiscale et de faire bénéficier le contribuable d’un avantage fiscal indu, la situation est qualifiée d’abus de droit.

La procédure d’abus de droit vise ainsi à dissuader des montages juridiques qui, bien qu’étant conformes à la loi, ont pour unique objet d’éluder l’impôt.

L'abus de droit, « ce péché des surdoués de la fiscalité » (Maurice COZIAN), est sanctionné d'une majoration égale à 80 % des droits mis à la charge du contribuable lorsqu'il est établi que celui-ci a eu l'initiative principale des actes abusifs ou en a été le principal bénéficiaire et à 40 % lorsque cette preuve n'est pas apportée.

En l’espèce il a été jugé que le montage consistant pour un père à faire précéder la cession de ses titres d'une donation à ses enfants mineurs afin de neutraliser la taxation de la plus-value n'est pas opposable à l'administration en l'absence de dépouillement immédiat et irrévocable, le contribuable ayant donné à sa fille âgée de deux ans des titres d’une société qui ont été cédés quelques jours plus tard à un tiers, le prix de la cession étant versé le mois suivant sur un compte ouvert au nom de l’enfant.

En effet le 17 septembre 2010, le contribuable qui détenait 21 242 parts sociales d’une société, a fait une donation à sa fille, alors âgée de deux ans, de 11 410 de ces titres et a cédé le reste à son épouse. Les parts sont cédées quelques jours après pour 256 981,98 euros.

La somme de 256 981,98 euros résultant du produit de cession des titres de la fille du contribuable a d'abord été créditée sur un compte ouvert à son nom auquel, en sa qualité de représentant légal, le contribuable avait librement accès. Celui-ci a appréhendé dans les mois qui ont suivi plus de 82 % de cette somme en la portant au crédit de plusieurs comptes rémunérés ouverts conjointement à son nom et à celui de son épouse. Des documents intitulés " contrats de prêt " signés par le contribuable et son épouse en avril 2011 par lesquels ils s'engageaient à rembourser à leur fille, au plus tard le 27 août 2027, les sommes qu'ils avaient inscrites sur leurs comptes, n'avaient pas été enregistrés.

A la suite de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable au titre des années 2009 à 2011, l'administration a remis en cause la donation faite le 17 septembre 2010 par le contribuable à sa fille au motif qu'il s'agissait d'une donation fictive, constitutive d'un abus de droit, en regardant la cession de ces titres par sa fille à une autre société le 7 octobre 2010 comme ayant été en réalité effectuée par le contribuable lui-même. La plus-value correspondante a été soumise à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2010.

Le contribuable a contesté ces impositions et les pénalités correspondantes devant le tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande. La cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement.

En cassation, après avoir rappelé  que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi, en considérant que l'administration peut écarter sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales comme ne lui étant pas opposable un acte de donation qui ne se traduit pas par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur et revêt, dès lors, un caractère fictif, et qu’il en va notamment ainsi lorsque le donateur appréhende, à la suite de la donation, tout ou partie du produit de la cession de la chose prétendument donnée.

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