Le droit de suite attaché au privilège du Trésor pour le recouvrement de la taxe foncière est supprimé.
Tirant les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel du droit de suite du Trésor public en matière de taxe foncière, la loi de finances pour 2023 a abrogé ce droit pour le recouvrement de la taxe foncière.
Selon les dispositions de l’article 1920 -1 du CGI, les impositions de toutes natures et taxes assimilées, les amendes fiscales et pénales, le droit fixe de procédure mentionné à l'article 1018 A et les créances de toutes natures en matière de contributions indirectes, recouvrés par les comptables publics, bénéficient d'un privilège de paiement appelé privilège du Trésor. Le privilège du Trésor, qui garantit le paiement de l'ensemble des impositions et créances recouvrées par les comptables publics, s'exerce sur les meubles et effets mobiliers qui appartiennent aux redevables, en quelque lieu qu'ils se trouvent.
Selon le 2-2° du même article, ce privilège s'exerce en outre pour la taxe foncière, sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution.
C’est ainsi que la Cour de cassation a souvent jugé qu’en cas de transfert de propriété d'un immeuble, le Trésor est en droit de poursuivre le recouvrement d'une créance de taxe foncière auprès du nouveau propriétaire, alors que ce dernier n'en est pas le redevable légal (Cass. com., 4 mars 1969, n° 65-14.457 ; Cass. com., 28 mars 2006, n° 03-13.822 ).
Dans sa décision n° 2022-992 QPC du 13 mai 2022, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions portent au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.
En l’espèce, le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 mars 2022 par la Cour de cassation d’une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2 ° du 2 de l'article 1920 du CGI. Une société reprochait à ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, de permettre au Trésor public, en cas de transfert de propriété de l'immeuble, de poursuivre le recouvrement d'une créance de taxe foncière auprès du nouveau propriétaire, alors qu'il n'en est pas le redevable légal.
Après avoir rappelé qu’il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en mettant une telle créance à la charge d’un propriétaire, alors qu'il n'est ni le redevable légal de cet impôt, ni tenu solidairement à son paiement, les dispositions en cause portent à son droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré ces dispositions contraires à la Constitution.
Tirant les conséquences de cette décision, la loi de finances pour 2023 a abrogé le droit de suite attaché au privilège du Trésor pour le recouvrement de la taxe foncière.
Rappelons que cette même loi de finances pour 2023 a abrogé également ce droit pour le recouvrement de l'impôt sur les sociétés et la taxe annuelle sur les bureaux et la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement en Île-de-France.
L. n° 2022-1726, 30 déc. 2022, art. 85 : JO 31 déc. 2022.
Arnaud Soton