La majoration du prix d’acquisition de l’immeuble pour dépenses de travaux n'est possible qu’à la condition que ces dépenses n’aient pas déjà été prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu.
Selon les dispositions de l’article 150 U du CGI, les plus-values réalisées par les particuliers à l'occasion de la cession de biens immobiliers ou de droits relatifs à ces biens sont soumises à l'impôt sur le revenu au taux de 19 %, majoré des prélèvements sociaux. Ce régime des plus-values immobilières s'applique aux plus-values réalisées par les personnes physiques dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé.
L’article 150 V du CGI précise que la plus-value imposable est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition de l'immeuble. Le prix d'acquisition est majoré forfaitairement de 7,5 % pour tenir compte des frais d'acquisition, et il peut également être majoré des dépenses de travaux. Pour le calcul des plus-values immobilières des particuliers, il est donc possible de majorer le prix d’acquisition de l’immeuble des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l’achèvement de l’immeuble, étant entendu que le contribuable doit être en mesure de justifier du montant des travaux au moyen des factures des entrepreneurs et de leur paiement effectif si l'administration lui en fait la demande.
Dans l’affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Douai, la question se pose de savoir si cette majoration est possible lorsque les dépenses ont déjà été prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu. En effet, l’immeuble cédé appartenait à une SARL de famille ayant opté pour le régime des sociétés de personnes et exerçant l’activité de location meublée, dont le contribuable était associé, et cette société a déjà totalement amorti les dépenses en question au titre de l’année considérée et déduit celles-ci du bénéfice imposable revenant à l'associé pour une quote-part à hauteur de ses droits dans le capital social.
C’est à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la société que l'administration fiscale, après avoir d'abord entendu remettre en cause le régime d'imposition de la plus-value de cession, a abandonné la procédure, mais a finalement remis en cause les modalités de calcul de la plus-value de cession de l’immeuble cédé, réalisée par cette société, telles que retenues dans la déclaration n°2048 souscrite par la société. L’administration a notifié une proposition de rectification au contribuable sur les conséquences qu’elle entendait tirer de cette analyse, à concurrence des participations de l’associé dans la société, sur ses revenus imposables.
Les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ayant été mis en recouvrement à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 308 530 €, le contribuable a déposé une réclamation préalable, laquelle réclamation préalable a été rejetée par l’administration fiscale. Le contribuable saisit alors le tribunal administratif de Rouen pour demander la décharge des impositions supplémentaires en soutenant qu’en se contentant de relever que les dépenses de travaux exposées dans l'immeuble dont la revente a généré la plus-value en cause étaient totalement amorties au bilan de la société dont il est l'associé, le tribunal administratif n'a pas pris soin d'exiger de l'administration qu'elle rapporte la preuve, qui lui incombe, de ce que, d'une part, cette société avait réellement déduit les amortissements de son résultat dans ses liasses fiscales, et d'autre part, lui-même avait effectivement pris en compte ces dépenses pour la détermination de son impôt sur le revenu au cours des années d'amortissement des immobilisations.
Pour l’administration fiscale, contrairement à ce que soutient le contribuable, les dépenses de travaux exposées sur l'immeuble cédé par la société ne pouvaient majorer le prix d'acquisition de l'immeuble pour la détermination de la plus-value imposable, dès lors que, selon la propre déclaration souscrite par cette société, ces dépenses avaient été totalement amorties, de sorte qu'elles ont déjà été prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu de l’associé, à raison de sa quote-part dans le capital de cette société.
Le tribunal ayant suivi le raisonnement de l’administration fiscale, il a rejeté la demande du contribuable qui a alors fait appel devant la Cour administrative d’appel de Douai.
Mais pour la Cour administrative d’appel, comme pour le tribunal administratif, cette majoration n'est possible qu’à la condition que ces dépenses n’aient pas déjà été prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu. Or, cette société ayant déjà totalement amorti les dépenses en question au titre de l’année considérée et déduit celles-ci du bénéfice imposable revenant à l'associé pour une quote-part à hauteur de ses droits dans le capital social, elles ne pouvaient plus venir en majoration du prix d'acquisition pour le calcul de la plus-value immobilière entre les mains de l'associé.
La Cour administrative d’appel de Douai retient que si en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
Cette solution nous semble tout à fait logique, car il ne peut y avoir de double prise en compte des dépenses de travaux. L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat, mais il est fort possible que la solution retenue par les premiers juges soit maintenue.
CAA de DOUAI, 4ème chambre, 08/02/2024, 22DA02648, Inédit au recueil Lebon.
Arnaud Soton
Avocat fiscaliste
Professeur de droit fiscal