La procédure de taxation d’office des avoirs détenus à l’étranger est conforme à la constitution.
Dans une décision Cons. const. 15-10-2021 n° 2021-939 QPC, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions autorisant l’administration fiscale à taxer d’office les avoirs placés sur les comptes ou contrats d’assurance-vie étrangers non déclarés, lorsque l’origine de ces avoirs n’est pas justifiée, sont conformes à la constitution.
En effet, les articles 1649 A et 1649 AA du code général des impôts prévoient que les comptes ou contrats d'assurance-vie souscrits à l'étranger doivent faire l'objet d'une déclaration en même temps que la déclaration de revenus annuelle. En vertu de ces dispositions, lorsque l'administration fiscale constate qu'une personne physique n'a pas satisfait à cette obligation de déclaration au moins une fois au cours des dix années précédentes, elle peut lui demander de justifier l'origine et des modalités d'acquisition des avoirs figurant sur ces comptes ou contrats.
L'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012, prévoit que lorsque l 'obligation prévue au deuxième alinéa de l 'article 1649 A ou à l'article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie.
Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. Dans tous les cas, en l'absence de réponse ou en cas de réponse insuffisante, ces avoirs sont, sauf preuve contraire, présumés avoir été acquis à titre gratuit et assujettis aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé, soit au taux de 60 %. Ces droits sont ainsi calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées.
C’est cette procédure de taxation d’office qui est contestée par les requérants. En effet, selon les requérants, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques, en ce sens qu’elles pourraient conduire à imposer des personnes sur des avoirs dont elles ne disposent plus à la date de taxation ou dont elles n'auraient jamais été propriétaires.
Les requérants ajoutent que ces dispositions institueraient à l'égard des personnes en question une présomption irréfragable d'acquisition à titre gratuit des avoirs détenus à l'étranger, et créeraient, en outre, une rupture d'égalité injustifiée entre les contribuables détenant des avoirs à l'étranger dont ils ne peuvent pas justifier l'origine, selon qu'ils les ont ou non régulièrement déclarés, seuls les premiers pouvant être soumis à la procédure de taxation prévue par ces dispositions. Ils font valoir également que ces dispositions, qui constitueraient une sanction ayant le caractère d'une punition, méconnaîtraient les droits de la défense, la présomption d'innocence, le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, ainsi que les principes de non-rétroactivité de la loi pénale, de légalité, de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines et d'individualisation des peines.
Mais tous ces arguments n’ont pas convaincu les sages. Après avoir rappelé qu’en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives, et qu’en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose, le Conseil constitutionnel retient qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l'effectivité du contrôle des avoirs détenus à l'étranger par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, poursuivant ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Les sages ajoutent qu’en permettant à l'administration de présumer que de tels avoirs constituent des sommes acquises à titre gratuit lorsque l'obligation de déclaration n'a pas été respectée et que l'origine et les modalités d'acquisition de ces avoirs n'ont pas été justifiées, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi. Par ailleurs, la procédure de contrôle prévue par les dispositions contestées ne confère pas à l'administration fiscale le pouvoir de choisir, parmi les contribuables, ceux qui seront effectivement soumis à l'impôt ; par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la loi et le droit au respect de la vie privée, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
Il convient de rappeler que les personnes astreintes à l'obligation déclarative sont les personnes physiques, domiciliées fiscalement en France, qui ont souscrit des contrats de capitalisation ou des placements de même nature auprès d'organismes établis hors de France. La déclaration porte sur chacun des contrats souscrits, modifiés ou dénoués au cours de l'année civile précédente par le déclarant ou par une personne à charge du déclarant.
Les contribuables sont tenus de déclarer les références des contrats et placements concernés, la date d'effet et la durée de ces contrats ou placements, les opérations de remboursement et de versement des primes effectuées au cours de l'année précédente et, le cas échéant, la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente.
Ils doivent joindre la déclaration spéciale à la déclaration annuelle de revenus, modèle n° 2042, et cette déclaration doit être datée et signée par le déclarant. La déclaration est déposée lorsque survient, au cours de l'année civile, soit une souscription de contrats, soit une modification du contrat sous forme d'avenant, quelle que soit la date de souscription des contrats, soit un remboursement total ou partiel du contrat, quelle que soit la date de souscription des contrats.
Il faut noter que, lorsque des rectifications sont effectuées à raison des sommes figurant sur un ou plusieurs contrats de capitalisation ou placement de même nature qui auraient dû être déclarés en application de l'article 1649 AA du CGI, le supplément d'impôt y afférent est alors assorti d'une majoration de 80 %, en application de l'article 1729-0 A, I-b du CGI.
De même, aux termes de l'article 1766 du CGI, le défaut de déclaration est sanctionné par une amende égale à 1 500 € par contrat non déclaré, ou 10 000 € lorsque l'obligation déclarative concerne un État ou territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires.
En ce qui concerne les comptes détenus à l’étranger, que depuis le 1er janvier 2019, doivent être déclarés les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger ; la nouvelle rédaction de l’article 1649 A, issue de la loi n°2018-898 du 23 octobre 2018, étant la suite : "les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger". Il résulte donc de cette nouvelle rédaction que les comptes n’enregistrant que l’inscription des intérêts des sommes en dépôt et le paiement de frais de gestion sont désormais au nombre des comptes devant être déclarés.
Selon le BOI-CF-CPF-30-20 n° 85, les comptes financiers détenus à l’étranger, adossés à un compte ouvert en France et destinés à réaliser des transactions en ligne (achats ou ventes de biens), n’ont pas à être déclarés, sauf ceux sur lesquels des encaissements liés à des ventes excèdent 10.000 € par an.
En ce qui concerne les banques en ligne, dont les usagers peuvent ignorer que les comptes utilisés sont situés à l'étranger, l’administration estime qu'il ne peut être dérogé aux dispositions imposant la déclaration des comptes.
Il est à noter également qu’aux termes des dispositions de l’article L.188 du LPF, alinéa 2, les amendes fiscales sont prescrites à l’expiration de la 4ème année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises.
Lorsque les obligations déclaratives ne sont pas respectées, l’administration envoie au contribuable une lettre 751 ayant pour objet « Amendes pour non déclaration de comptes bancaires détenus à l’étranger ».
La lettre rappelle les dispositions des articles 1736-IV-2, 1649 A et 1649 A bis du CGI, celles des articles 344 A et 344 B de l’annexe III au CGI, celles de de l’article L.188 alinéa 2du LPF, et indique que le contribuable n’a pas rempli ses obligations déclaratives alors qu’il apparaît qu’il est bénéficiaire de comptes bancaires détenus étrangers.
La lettre indique le montant total de l’amende, en fonction du nombre de comptes en question, et précise au contribuable qu’à compter de la réception du document, il dispose d’un délai de trente jours pour présenter ses observations, conformément aux dispositions de l’article L80 D du livre des procédures fiscales, et que passé ce délai, et sauf acceptation des observations éventuelles, les majorations seront mises en recouvrement.
Il faut noter, pour finir, que l’article L 169, 5e al., du LPF fixe à dix ans, au lieu de trois ans dans le droit commun, le délai de reprise en cas de non-respect des obligations déclaratives prévues à l’article 1649 A du CGI. Toutefois, cette extension de délai ne s’applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l’étranger est inférieur à 50.000 € au 31 décembre de l’année au titre de laquelle la déclaration devait être faite.
Arnaud Soton
Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal