CABINET D'AVOCAT ARNAUD SOTON
AVOCATS FISCALISTES
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AVOCATS FISCALISTES

Organisme sans but lucratif et impôts commerciaux.


Dans un arrêt du 3 mars 2023, (CAA Nantes 3 mars 2023, n° 21NT01869), la Cour administrative d’appel de Nantes, annulant un jugement du tribunal administratif de Caen, et après avoir constaté que la gestion d’une association était désintéressée, retient que les services rendus par cette association ne pouvaient pas être considérés comme étant en concurrence avec des entreprises commerciales, en raison de l'âge du public concerné.

Les associations et autres organismes sans but lucratif (OSBL) sont considérés comme non lucratif sur le plan fiscal et échappent aux impôts commerciaux lorsque leur gestion est désintéressée, leur activité ne concurrence pas le secteur commercial ou, s'il y a concurrence, s'exerce dans des conditions différentes de celles du secteur marchand.

En ce qui concerne la gestion désintéressée, l'organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Néanmoins le versement de la moindre rémunération n'implique pas automatiquement la remise en cause de ce caractère lorsque les rémunérations sont proportionnées aux ressources de l'association et constituent la contrepartie des sujétions imposées aux dirigeants dans l'exercice de leur mandat (CE 2-10-2006 n° 281286).

L'administration pour sa part, faisant suite à une décision du Conseil d'Etat du 17 octobre 1984, admet que les dirigeants de droit ou de fait perçoivent une rémunération brute mensuelle totale inférieure aux trois quarts du Smic sans que ne soit remis en cause le caractère désintéressé de la gestion d'un organisme.

Si sa gestion est désintéressée, un OBSL est imposable lorsqu’il exerce son activité selon des modalités de gestion similaires à celles des entreprises commerciales, dans la même zone géographique d'attraction. Si e n’est pas le cas, il échappe aux impôts commerciaux.

Au cas particulier, une association, l'association Danses et Loisirs,  dont la gestion est bien désintéressée, organise des soirées dansantes, des tea-parties et des stages de danse à Carcagny (Calvados), pour un public de  3e âge. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur les années 2015 à 2018, l’administration fiscale estimant que l’association devait déposer des déclarations mensuelles de TVA et les liasses fiscales relatives à l'impôt sur les sociétés.

À l'issue du contrôle, l’administration a notifié à l’association une proposition de rectification faisant des rappels de TVA et d’IS, sur les périodes vérifiées. L’administration a d’ailleurs jugé bon d’assortir les rappels de la majoration de 80 %, prévue à l'article 1728 du CGI, applicable en cas de découverte d'une activité occulte.

A la suite du rejet de sa réclamation par l’administration, l’association a saisi le tribunal administratif de Caen pour demander la décharge des impositions en cause. Mais, par un jugement du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. L'association a donc fait appel devant CAA de Nantes qui lui a donné gain de cause.

La CAA a d’abord rappelé les conditions dans lesquelles les associations sont exonérées des impôts commerciaux. En effet, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée, que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

Ensuite, après avoir constaté que la gestion de l'association Danses et Loisirs est désintéressée, la Cour d’appel retient que les services rendus par cette association ne pouvaient pas être considérés comme étant en concurrence avec des entreprises commerciales, en raison de l'âge du public concerné. La Cour se fonde ainsi sur la distance à parcourir, comprise entre 20 et 63 km selon les établissements, pour juger que les services rendus par cette association ne pouvaient pas être considérés comme étant en concurrence avec des entreprises commerciales, en raison du public de 3e âge concerné. En, effet, l'administration opposait en défense une liste d'établissements organisant également des thés dansants aux alentours de Caen. Mais pour la Cour d’appel, la liste de l’administration qui ne porte que sur l'année 2019 alors que les impositions en litige portent sur la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2018, concerne des établissements fiscalisés certes similaires mais qui sont situés un plus loin, sur la distance à parcourir, comprise entre 20 et 63 km selon les établissements. La CCA de Nantes a donc annulé le jugement rendu par le tribunal administratif de Caen.

Il faut ainsi rappeler que le fait qu'un organisme à but non lucratif intervienne dans un domaine d'activité où cœxistent des entreprises du secteur lucratif ne conduit pas ipso facto à le soumettre aux impôts commerciaux. Il convient en effet de considérer l'utilité sociale de l'activité, l'affectation des excédents dégagés par l'exploitation, les conditions dans lesquelles le service est accessible, ainsi que les méthodes auxquelles l'organisme a recours pour exercer son activité. Ainsi, pour apprécier si l'organisme exerce son activité dans des conditions similaires à celles d'une entreprise, il faut examiner successivement les critères suivants selon la méthode du faisceau d'indices : le produit proposé par l'organisme, le public  bénéficiaire, les prix qui sont pratiqués, et les opérations de communication (publicité) réalisées. C’est la règle dite des 4 P.

En ce qui concerne le produit et le public, l'activité d'un organisme est considérée comme d'utilité sociale lorsque le produit ou service proposé tend à satisfaire un besoin qui n'est pas pris en compte par le marché ou qui l'est de façon insuffisante. Sont notamment susceptibles d'être d'utilité sociale les actes payants réalisés principalement au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (chômeurs, personnes handicapées ou âgées notamment, comme dans le cas d’espèce.)

En ce qui concerne le prix pratiqué, un organisme qui pratique des prix nettement inférieurs à ceux de la concurrence présente, a priori, un caractère non lucratif. Une modulation des tarifs en fonction de la situation des bénéficiaires peut également constituer un indice de non-lucrativité (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 650 et 660).

En ce qui concerne la publicité, les organismes qui concurrencent le secteur marchand ne doivent pas recourir à la publicité commerciale s'ils veulent conserver un caractère non lucratif. Mais cela ne signifie pas que toute forme de communication leur soit interdite. L'administration a notamment indiqué qu'un organisme peut, sans que sa non-lucrativité soit remise en cause, procéder à des opérations de communication ou réaliser une information sur les prestations qu'il fournit, à condition que cette information ne s'apparente pas à de la publicité commerciale destinée à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur concurrentiel.

Le fait qu'un organisme sans but lucratif dispose d'un site internet pour informer tant ses adhérents que toute personne intéressée par ses activités ne doit pas conduire à considérer que cette association recourt à des méthodes commerciales destinées à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur concurrentiel. Internet apparaît en effet comme un vecteur normal de diffusion d'informations pour un organisme sans but lucratif.

De même, le seul fait que le site soit accessible à partir d'autres sites ne doit pas remettre en cause cette analyse dès lors que l'existence du lien est justifiée par l'activité même des différents organismes exploitant les sites (Lettre DLF 5-3-2002. Inst. 18-12-2006, 4 H-5-06, n° 72 ; BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 700 et 710, 12-9-2012).

Si la décision de la CCA Nantes illustre le critère relatif à la zone géographique, l’appréciation est faite par rapport à l'âge du public concerné.

Il n’est pas exclu que l’administration se pourvoit en cassation dans cette affaire, mais il nous semble que le Conseil d’Etat devrait avoir la même analyse de la CCA de Nantes.

CAA Nantes 3 mars 2023, n° 21NT01869.

Arnaud Soton

Avocat fiscaliste

Professeur de droit fiscal


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