Plus-value de cession de la résidence secondaire : pas d’exonération en cas d’usufruit sur la résidence principale.
Aux termes de l’article 150 U, II.1°bis du CGI, lorsque le vendeur n'a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession, et à la condition qu'il procède au remploi du prix de cession de sa résidence secondaire, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, dans l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale, la plus-value de cession de la résidence secondaire est exonérée.
Ainsi, les plus-values réalisées au titre de la première cession d'un logement autre que la résidence principale sont exonérées à la double condition que le cédant n'ait pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession et qu'il remploie le prix de cession dans l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale.
L'exonération est applicable à la fraction du prix de cession que le cédant remploie à l'acquisition ou la construction de son habitation principale, et en cas de manquement à l'une de ces conditions, l'exonération est remise en cause au titre de l'année du manquement.
En ce qui concerne la condition de ne pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession pour le bénéfice de l’exonération, l’administration fiscale précise, dans ses instructions que dès lors que le cédant est propriétaire de sa résidence principale au jour de la cession, y compris par l’intermédiaire d’une société dotée de la transparence fiscale régie par les dispositions de l’article 1655 ter du CGI, ou l’a été à un moment quelconque au cours des quatre années qui précèdent la cession, l’exonération n’est pas applicable. De même, la détention d’un droit démembré ou d’un droit indivis sur un immeuble d’habitation affecté à la résidence principale du cédant est de nature à priver le contribuable du bénéfice de l’exonération (BOFiP-RFPI-PVI-10-40-30-§ 40-07/07/2021).
Un contribuable demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le refus d'abroger cette deuxième phrase du paragraphe n° 40 des commentaires administratifs par lesquels le ministre de l'économie et des finances a fait connaître son interprétation des dispositions du 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts, relatives à l'exonération d'impôt sur le revenu des plus-values résultant de la première cession d'un logement autre que la résidence principale.
Selon le requérant, ces dispositions qui subordonnent le bénéfice de l’exonération aux contribuables qui ne détiennent aucun droit réel immobilier sur le bien qu’ils ont élu pour domicile, méconnaissent les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques protégées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en tant qu’elles excluent du bénéfice de l’exonération les contribuables qui ont détenu l’usufruit de leur résidence principale au cours des quatre années précédant la cession.
Après avoir rappelé qu’aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse, et que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, le Conseil d’Etat souligne qu’en réservant le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le revenu des plus-values réalisées par les personnes physiques lors de la première cession d'un logement autre que la résidence principale aux contribuables qui n'ont détenu aucun droit réel sur cette résidence, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession, le législateur, qui s'est fixé comme objectif de favoriser l'accès à la propriété de la résidence principale, s'est fondé sur un critère objectif et rationnel au regard du but poursuivi. S'il en résulte une différence de traitement entre les contribuables qui, notamment, ont été titulaires, temporairement ou non, d'un usufruit sur leur résidence principale au cours de la période de référence et ceux qui l'ont occupée au cours de cette même période en vertu d'un contrat de location, celle-ci est justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.
Le Conseil d’Etat conclut que les griefs tirés de ce que les dispositions contestées méconnaitraient les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, en tant qu'elles excluent du bénéfice de l'exonération de la plus-value réalisée au titre de la cession d'un immeuble à usage d'habitation autre que la résidence principale les contribuables qui ont détenu un usufruit sur leur résidence principale au cours des quatre années précédant cette cession, ne présentent pas un caractère sérieux.
Ainsi, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présentant pas un caractère sérieux, il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel, et il n’y a pas non plus lieu d’annuler pour excès de pouvoir les commentaires administratifs qui, selon le Conseil d’Etat, sont conformes aux objectifs poursuivis par le législateur.
Il convient de rappeler que le régime des plus-values immobilières privées s'applique aux plus-values réalisées par les personnes physiques dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé. Ce régime des plus-values privées ne s'applique ni aux profits ou plus-values qui se rattachent à une activité professionnelle. Rappelons aussi que la plus-value réalisée lors de la cession d'une résidence principale est exonérée, quel que soit le type de logement (maison individuelle ou appartement) et que seuls ouvrent droit à l'exonération les immeubles ou parties d'immeubles qui constituent la résidence habituelle et effective du propriétaire lui-même au jour de la cession.
CE 15 juillet 2021, n°453490
Arnaud Soton
Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal
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