Déduction des provisions : la perte ou charge doit être nettement précisée.
L’article 39-1-5° du CGI précise que les provisions sont déductibles lorsqu’elles sont constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice.
De façon générale, et sans aborder les cas particuliers, la déduction des provisions est ainsi subordonnée au respect de quatre conditions. La provision doit être destinée à faire face à une perte ou à une charge déductible, la perte ou la charge doit être nettement précisée, la perte ou la charge doit être probable, et cette probabilité de la perte ou de la charge doit résulter d’événements en cours.
Les provisions ne respectant pas ces conditions cumulatives sont réintégrer au résultat.
En ce qui concerne la condition liée au fait que la perte ou charge doit être nettement précisée, elle porte à la fois sur la nature de la perte ou de la charge, qui doit être clairement individualisée, et sur son montant, la provision ne pouvant être évaluée forfaitairement.
Au cas particulier, à propos d’une provision pour dépréciation du stock de véhicules d'occasion, la Cour administrative de Nantes a considéré comme non justifiée, la constitution d’une provision pour dépréciation du stock de véhicules d’occasion par application d’un pourcentage forfaitaire au prix de revient de ces véhicules.
En effet, pour calculer le montant de la provision pour dépréciation de son stock de véhicules d’occasion au 31 décembre N, une concession automobile applique un pourcentage forfaitaire à la valeur totale de son stock de véhicules acquis en N. Ce pourcentage correspond au rapport entre le total des pertes sur les véhicules acquis en N-1 et vendus à perte en N et le prix de revient total de l'ensemble des véhicules acquis en N-1 et vendus en N.
L'administration fiscale a remis en cause une partie de la provision ainsi constituée. La Cour d’appel a considéré qu’un tel pourcentage forfaitaire ne permet pas d'établir avec une précision suffisante la dépréciation de chaque véhicule d'occasion dès lors qu'il n'est pas tenu compte des caractéristiques techniques de chaque véhicule, des perspectives réelles de commercialisation, selon la nature du véhicule, et des perspectives de poursuite de la commercialisation du modèle de véhicule.
La société ayant exclu les éléments particuliers pouvant conférer à ces véhicules une valeur différente au moment de leur revente, la provision ainsi constituée ne peut être acceptée en déduction du résultat imposable.
Il faut rappeler que le Conseil d'Etat a rejeté, au motif qu'elles ne correspondaient pas à des charges nettement précisées, notamment, une provision dont l'objet a été modifié par le contribuable à la suite d'un redressement (CE 21-11-1975, une provision destinée à la couverture de dépenses professionnelles diverses (CE 11-5-1964, ou encore une provision pour paiement de lots non réclamés par les clients au terme d'un certain délai (CE 30-7-1948).
En revanche, a été admise par exemple, la déduction d'une provision pour renouvellement total d'installations lourdes dès lors que, dans le cadre de contrats rémunérés par des redevances annuelles garantissant à la fois l'entretien, les réparations courantes et le renouvellement total des installations, la part de la redevance rémunérant spécifiquement la couverture de cette dernière charge a pu être évaluée avec suffisamment de précision (CE 21-6-1995).
Pour qu'une perte ou une charge soit considérée comme « nettement précisée » au sens de l'article 39, 1-5° du CGI, il convient que son montant puisse être évalué avec une approximation suffisante. La jurisprudence admet sous certaines conditions la déduction des provisions calculées de manière statistique.
CAA Nantes 16 novembre 2021, n° 20NT02331.
Arnaud Soton
Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal