CABINET D'AVOCAT ARNAUD SOTON
AVOCATS FISCALISTES
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La réclamation préalable (partie1)


Dans un arrêt du 13/11/2024 (CE 13 novembre 2024, n° 473814), le Conseil d’Etat a jugé que l’envoi d'une liasse rectificative après l'expiration du délai de déclaration et visant à réparer une erreur commise par le contribuable, même sans l'assortir d'aucune explication,  peut constituer une réclamation préalable.

Au cas particulier, une société a déclaré un bénéfice au titre de son exercice clos en 2013 et acquitté l’IS correspondant en 2014. En mars 2016, soit avant le 31/12/2016, date d’expiration du délai de réclamation, son administrateur judiciaire a adressé aux impôts une liasse fiscale rectificative au titre de l'exercice 2013 faisant apparaître un déficit. Sans réponse de l’administration fiscale, l’administrateur a adressé un second courrier à l’administration fiscale le 20 décembre 2018, sollicitant la restitution du trop-versé.

La réclamation ayant été rejetée, la société a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la restitution de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013. Mais le tribunal administratif a rejeté sa demande et l’appel formé contre le jugement a également été rejeté par le cour administrative d’appel de Marseille au motif que la déclaration rectificative relative à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, déposée le 18 mars 2016, après l'expiration du délai de déclaration, ne pouvait être regardée comme constituant une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La réclamation de 2018 était quant à elle, irrecevable en raison de sa tardiveté, en application des dispositions de l'article R.196-1 du LPF.

La société s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui lui donne raison en retenant qu'en jugeant que la déclaration rectificative relative à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, déposée le 18 mars 2016, après l'expiration du délai de déclaration, ne pouvait être regardée comme constituant une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

L’arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille a été  annulé. Une déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire, constitue une réclamation contentieuse préalable lorsqu'elle a été déposée auprès de l'administration fiscale après l'expiration du délai de déclaration.

1. Le principe de la réclamation préalable

Aux termes de l’article R*190-1 du LPF, le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. Le contribuable qui souhaite contester une imposition ne peut donc jamais saisir directement le juge de l’impôt. Il faut nécessairement d’abord s’adresser à l’administration elle-même dans un premier temps. Quel que soit l’impôt contesté, le contribuable a l’obligation de présenter à l’administration une réclamation préalable. La réclamation constitue la première étape de la procédure contentieuse.

Aux termes de l’article L199 du LPF, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire, selon l’impôt concerné. Ce n’est donc au cas où la réponse à la réclamation préalable déposée devant l’administration ne donne pas entière satisfaction au contribuable que ce dernier peut envisager de saisir le juge de l’impôt.

C’est la réclamation préalable qui fait démarrer la procédure contentieuse, en ce sens que seuls les impôts que le contribuable conteste dans sa réclamation préalable peuvent ensuite être contestés devant le juge. Il est donc important de faire attention à ce qui est demandé dans la réclamation préalable. C’est ainsi par exemple que le contribuable qui ne demande qu’une réduction de son imposition dans la réclamation préalable ne peut pas demander, ensuite au juge, la décharge de l’imposition.

2. Les personnes susceptibles de déposer une réclamation préalable

En ce qui concerne les personnes autorisées à déposer une réclamation préalable, il s’agit bien sûr, d’abord, du contribuable lui-même. Sont aussi recevable pour présenter une réclamation, les personnes mandatées par le contribuable, telles que son avocat par exemple, sans que l’avocat n’ait à justifier d’un quelconque mandat, contrairement à d’autres personnes que le contribuable aurait mandatées. En effet, aux termes de l’article R*197-4 du LPF, toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier, toutefois, il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau ni des personnes qui, en raison de leurs fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable. Peuvent aussi déposer une réclamation, certains tiers tels que les héritiers ainsi que les personnes tenues solidairement au paiement de l’impôt en cause.

3. Le dirigeant solidairement responsable des dettes fiscales de la société

Les dirigeants de sociétés peuvent agir au nom de la personne morale qu’ils représentent. D’une part, aux termes de l’article L 267 du LPF, lorsqu'un dirigeant d'une société est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, ce dirigeant peut être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire. Un dirigeant de société peut donc être tenu solidairement responsable des dettes fiscales de la société.

D’autre part, aux termes de l’article R* 196-1 du LPF, pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de  la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement.

La réclamation préalable, encore appelée recours administratif contentieux, est donc accompagnée de l’avis d’imposition ou de mise en recouvrement. Le Conseil d’Etat considère que la signification du jugement au dirigeant déclaré responsable des manquements de la société ouvre à celui-ci, le délai de réclamation, sans qu’il ait à attendre que l’administration fiscale lui adresse un avis de recouvrement ou un premier acte de poursuites (CE 30-12-2021 n° 442804).

Ainsi, la réclamation présentée par le dirigeant d’une société déclaré solidairement responsable des impôt dus par la société, après que le jugement assorti de l’exécution provisoire lui a été signifié, ne peut être considérée comme prématurée, alors même qu’à la date à laquelle le directeur des services fiscaux a statué l’intéressé n’avait pas encore été personnellement mis en demeure d’acquitter les impositions en cause.

Au cas particulier, par un jugement en date du 15 janvier 2018, assorti de l'exécution provisoire, qui lui avait été signifié, un dirigeant de société avait été déclaré solidairement responsable du paiement des droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société. L’intéressé a alors déposé une réclamation préalable, sans avoir encore reçu les avis de mise en recouvrement. Cette réclamation a été rejetée par l’administration fiscale, comme ayant été déposée prématurément, car l’intéressé n’avait pas encore été personnellement mis en demeure par l'administration fiscale d'acquitter les impositions en cause.

Le tribunal administratif de Marseille ayant été saisi, le président de la 7ème chambre, par une ordonnance du 16 mars 2020, a rejeté comme manifestement irrecevable parce que prématurée, la demande du dirigeant à la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société. En appel, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, par une ordonnance du 17 juin 2020,  a rejeté la requête d'appel comme étant manifestement dépourvue de fondement. Le dirigeant se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat contre l'ordonnance du président de la 3ème chambre.

Le Conseil d’Etat lui donne raison en annulant l’ordonnance du président de la 3ème chambre, estimant qu’en jugeant que la réclamation préalable présentée par l’intéressé était irrecevable au motif qu'au 15 mars 2019, date à laquelle le directeur des services fiscaux a rejeté celle-ci, l’intéressé n'avait pas encore été personnellement mis en demeure par l'administration fiscale d'acquitter les impositions en cause, alors qu'il est constant que, par un jugement en date du 15 janvier 2018, assorti de l'exécution provisoire, qui lui avait été signifié, il avait été déclaré solidairement responsable du paiement des droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit.

Arnaud Soton

Avocat fiscaliste

Professeur de droit fiscal


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